Les congrès de Liffré (septembre 1943) et Paris (avril 1944)

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Par Christophe Eckes 1, Gatien Ricotier 2, le 11/01/2019,

1. Archives Henri-Poincaré - Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies,
2. I.R.M.A. / U.F.R. de mathématique et d’informatique

En septembre 1942 naît Sylvie, la fille d'André Weil [1]. Au cours de ce même mois de septembre 1942, le frère d'Henri Cartan, Louis, qui est physicien et résistant, est arrêté dans la région de Poitiers. Il sera finalement exécuté en Allemagne au cours du mois de décembre 1943. Les circonstances de ce fait ne seront communiquées à la famille Cartan qu’au printemps 1945 [2].

La zone libre est envahie par l’armée allemande le 11 novembre 1942, en représailles au débarquement allié en Afrique du nord le 8. Ce fait désorganise profondément le groupe Bourbaki qui, jusqu’à cette date, était parvenu à se réunir régulièrement dans la ville de Clermont [Focus Clermont-Ferrand], tout en conservant quelques contacts avec sa branche étatsunienne.

Dans le présent focus, nous tenterons tout d’abord de déterminer dans quelle mesure certains membres de Bourbaki sont parvenus à communiquer et à se réunir lors des congrès de Liffré – non loin de Rennes – en septembre 1943 et à Paris en avril 1944, malgré les circonstances difficiles qu’ils doivent affronter après l’invasion de la zone libre. Nous décrirons ensuite succinctement les avancées mathématiques accomplies par le groupe durant cette période.

I. Deux congrès après l’invasion de la zone libre

Deux réunions ont lieu en 1943-1944, la première à Liffré en septembre 1943, la seconde à Paris en avril 1944 [3]. Les décisions prises au cours de ces deux congrès sont documentées dans les numéros 9 et 10 de « La Tribu » [La Tribu n°9, La Tribu n°10]. Aucune liste de participants n’y figure.

Il est à peu près certain qu’H. Cartan, Delsarte et Dieudonné – qui exerçaient alors tous trois en zone nord – ont pris part à ces deux congrès : cela est confirmé par leurs échanges, des archives et leurs témoignages. Comme nous l’avons vu dans le focus précédent, Szolem Mandelbrojt ne semble plus faire partie de Bourbaki et il s’exile aux Etats-Unis au mois d’octobre 1940, en raison des menaces antisémites qui pèsent sur lui. Elu au Collège de France en 1937, Mandelbrojt fait alors l’objet d’une mise à la retraite anticipée. Il sera finalement réintégré en septembre 1944 [4]. Charles Pisot, qui est assistant en Allemagne entre décembre 1940 et la fin de la Seconde Guerre mondiale [Focus Clermont-Ferrand], n’a plus aucun contact avec le groupe. René de Possel reste pour sa part à Alger jusqu’à la fin de la guerre.

Nous allons maintenant nous attarder sur les situations des autres membres de Bourbaki.

a) Laurent Schwartz et Claude Chabauty

Laurent Schwartz avait assisté en qualité de chrysalide aux réunions organisées à Clermont-Ferrand en décembre 1940, avril 1941 et août 1942. Il soutient sa thèse en janvier 1943 devant un jury composé de Charles Ehresmann, André Roussel et Georges Valiron. Les Schwartz se retirent par la suite dans la clandestinité [5].

Chabauty n’a vraisemblablement pas participé aux congrès de Liffré et de Paris. Maître de conférences à l’Université de Strasbourg repliée à Clermont à partir de l’automne 1941, Chabauty semble être demeuré à Clermont après l’invasion de la zone libre. Un événement le concerne très directement à l’automne 1943. Trois cents arrestations, dont celle des mathématiciens Chabauty, Georges Reeb, Raymond Couty et André Lichnerowicz, ont lieu lors de la rafle qui frappe l’Université de Strasbourg repliée à Clermont le 25 novembre 1943. Deux-tiers des universitaires sont libérés après avoir été interrogés par la Gestapo, dont les quatre mathématiciens que nous venons de lister [6].

b) Un noyau américain isolé

Exilé aux Etats-Unis depuis mars 1941, Weil effectue un service d’enseignement au Haverford College (Pennsylvanie) au cours de l’année universitaire 1941-1942, avant d’exercer dans une « école d’ingénieurs dépendant des aciéries de Bethlehem » [7] (également en Pennsylvanie). Ses parents et sa sœur, la philosophe Simone (1909-1943), rejoignent la ville de New York en juillet 1942. Le séjour de Simone Weil aux Etats-Unis est de courte durée. Elle gagne la Grande-Bretagne à la fin de l’automne 1942 et elle travaille alors dans les services de la France libre. Atteinte de tuberculose, elle meurt d’épuisement en août 1943.

À l’exception de Chevalley, avec lequel il intensifie ses travaux en géométrie algébrique [8], Weil ne semble plus avoir de contact avec les autres membres du groupe Bourbaki entre l’été 1942 [9] et la fin de l’année 1944. Le premier fascicule d’Algèbre, le compte-rendu du congrès de Liffré ainsi que les dernières avancées du groupe en algèbre linéaire sont malgré tout communiqués à Chevalley et à Weil de manière plus ou moins clandestine entre l’automne 1943 et l’automne 1944 [10], date qui marque la reprise d’échanges épistolaires suivis avec Cartan et Dieudonné. Weil envoie en effet deux cartes dactylographiées à Cartan le 30 août et le 26 septembre 1944. Son destinataire ne les reçoit qu’à la fin du mois de novembre [11]. Ces deux cartes sont suivies d’une lettre plus détaillée, datée du 6 novembre 1944 et reçue par Cartan le 1er décembre. De son côté, Dieudonné écrit une lettre à Weil le 3 novembre 1944 [12]. Ce dernier la réceptionne en même temps qu’une lettre de Cartan datée du 10 décembre 1944 [13].

La reprise de cette correspondance nous amène à souligner le rôle que joue le physico-chimiste et atomiste français Jules Guéron [14] dans la transmission d’informations à Weil sur la situation académique de la France et au sujet des activités de Bourbaki à la Libération. Avant le déclenchement de la guerre, Guéron était chef de travaux à l’Université de Strasbourg, où exerçaient H. Cartan, Ehresmann et Weil. Guéron rejoint la France libre en juin 1940 [15]. Il est affecté au Cavendish Laboratory de Cambridge qui est transféré à Montréal en octobre 1942. Guéron se trouve donc au Canada à partir de cette date. Après la Libération, en octobre 1944 pour être précis, il effectue un séjour à Paris et il y rencontre Cartan ainsi que Dieudonné. D’après la lettre de Dieudonné à Weil du 3 novembre 1944, Guéron est chargé d’indiquer à Weil « les plans de réforme de l’Enseignement supérieur ».

c) Le cas de Charles Ehresmann

La situation de Charles Ehresmann, dont la participation aux congrès de Liffré et de Paris n’est pas garantie, est plus difficile à retracer. Notons tout d'abord que la chaire de Mathématiques générales de la faculté des sciences de l'Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, vacante depuis le départ de Cartan, est transformée en chaire de Topologie qu'Ehresmann occupe à partir du 1er juin 1943 [16].

Seules deux cartes d’Ehresmann au mathématicien suisse Georges de Rham datant du 8 juillet et du 9 septembre 1943 nous donnent des renseignements très parcellaires sur Ehresmann après l’invasion de la zone libre [17]. Ainsi, dans sa carte du 8 juillet 1943, envoyée depuis Besse-en-Chandesse, Ehresmann annonce à de Rham l’envoi de plusieurs exemplaires du premier fascicule d’Algèbre, l’un étant destiné à de Rham, les autres à Weil. De Rham compte ainsi parmi les intermédiaires entre les branches française et étatsunienne de Bourbaki. Ehresmann fait également état de l’arrestation de son élève Jacques Feldbau lors de la rafle du foyer universitaire la Gallia dans la nuit du 24 au 25 juin 1943 [18]. Il souligne l’extrême gravité de cet événement auprès de son correspondant et il indique ne plus avoir aucune nouvelle de Feldbau depuis lors. Ehresmann écrit une seconde carte à de Rham un jour seulement avant la tenue du congrès de Liffré. Le lieu d’envoi de la carte n’est pas précisé. Ehresmann veut s’assurer que de Rham a bien reçu les exemplaires du premier fascicule d’Algèbre dont il était question en juillet dernier et il espère que sept d’entre eux pourront, comme convenu, être communiqués à Weil. Ehresmann revient également sur la situation de Jacques Feldbau, dont le travail de thèse est « interrompu pour une durée indéterminée ». Cette carte ne dit rien sur le congrès de Bourbaki qui est sur le point d’avoir lieu et Ehresmann ne livre que quelques informations d’ordre familial : « Nous nous contentons cet été des montagnes d’Auvergne et nous sommes bien contents de vivre dans un coin relativement calme ». Grâce au témoignage d’André Weil, nous savons tout au plus qu’un exemplaire du compte-rendu du congrès de Liffré est passé entre les mains de Georges de Rham, ce dernier servant une nouvelle fois d’intermédiaire avec les Etats-Unis [18]. On peut présumer qu’Ehresmann est l’auteur de cet envoi à de Rham, ce qui ne vaut pas confirmation de sa présence à Liffré.

Rien ne permet non plus de dire si Ehresmann a participé au congrès du groupe organisé à Paris en avril 1944. Ce congrès est entièrement dévolu à la topologie algébrique, un domaine auquel sont étroitement associés les noms de Cartan et d’Ehresmann. Le projet d’un livre de topologie algébrique y est arrêté et il est divisé en six chapitres couvrant les questions d’homologie, la théorie de la dimension, ainsi que la théorie des revêtements. La « compétence technique de Charles » est mise en avant au début du compte-rendu, sans que sa présence à ce congrès soit garantie. En parallèle, nous savons que les Ehresmann affrontent une situation particulièrement difficile au cours de l’année 1944, comme en attestent les lettres qu’Ehresmann fait parvenir à Hopf le 28 décembre 1945 et à de Rham le 3 janvier 1946. Dans la première de ces deux lettres, on peut notamment lire : « j’ai été obligé de me retirer à la campagne pendant une bonne partie de l’année 1944, surtout après l’arrestation à Clermont de mon beau-frère, qui a ensuite été déporté en Allemagne où il a disparu sans avoir donné aucun signe de vie »[20].

II. Synthèse des avancées accomplies par le groupe de l’automne 1942 à la Libération

Détaillons à présent les thèmes abordés lors des congrès de Liffré et de Paris. Le n°9 de « La Tribu » documente les avancées accomplies par le groupe jusqu’à la fin de l’été 1943 en algèbre (Livre II), en topologie générale (Livre III) ainsi que dans l’étude des fonctions d’une variable réelle (Livre IV).

S’agissant du livre d’Algèbre, les discussions portent essentiellement sur les chapitres II (algèbre linéaire) et III (algèbre multilinéaire) ; le chapitre IV sur les polynômes est en revanche à peine abordé en raison de son « état larvaire ». Les numéros successifs de « La Tribu » produits durant la drôle de guerre et la période de l’Occupation indiquent à ce propos la prise en charge des chapitres d’algèbre par Dieudonné . « La Tribu » du 15 septembre 1940 nous apprend ainsi que Dieudonné [21] a entrepris la composition de ces chapitres dès le mois de mars de cette même année. On lui doit ainsi les états 2 du chapitre I (sur les structures algébriques) [22] et du chapitre II (algèbre linéaire) [Rédaction n°34]– lequel est discuté lors du Congrès de Clermont d’avril 1941 [CR du congrès de Clermont]. Il rédige également au fur et à mesure les états 1 des sept chapitres suivants, soit un total de plus de 1000 pages d’algèbre avec une pagination continue pour les neuf chapitres finalement produits [23]. Le compte-rendu du congrès de Liffré nous indique que Dieudonné a désormais achevé le chapitre VII sur les algèbres semi-simples et qu’il devrait bientôt commencer la rédaction du chapitre VIII sur les formes bilinéaires et les formes quadratiques.

Concernant le livre de Topologie générale, il convient de rappeler que les chapitres V et VI sont discutés lors des trois réunions organisées à Clermont-Ferrand entre décembre 1940 et août 1942. Lors du congrès de Liffré, les discussions portent sur le chapitre VII, dont le nouveau titre est à présent « utilisation des nombres réels en topologie générale » [Rédaction n°29, conforme au plan indiqué dans ce numéro de « La Tribu »], ainsi que le chapitre VIII dédié aux « topologies d’espaces fonctionnels » [24] [Rédaction n°32, conforme au plan indiqué dans le La Tribu n°9].

Vient enfin le livre IV sur les fonctions d’une variable réelle, avec une lecture détaillée du chapitre I (dérivées, primitives, intégrales) et du chapitre II (fonctions convexes, fonctions élémentaires). La rédaction n°5 [Rédaction n°5] correspond exactement au plan détaillé de ces deux chapitres présenté dans le n°9 de « La Tribu ». Le chapitre III sur l’étude locale des fonctions, promis par Delsarte, n’est finalement pas rédigé à temps pour le congrès de Liffré. La plupart des autres Livres sont « au point mort ou en sommeil ». On notera en particulier qu’en topologie générale, Ehresmann « n’a pas livré le chap. IX (revêtements) dans les délais prévus » et que le projet de Livre V sur la topologie combinatoire est « inexistant ».

Le congrès de Paris d’avril 1944 a justement pour objectif de remédier à cela puisqu’il y est presque exclusivement question de topologie combinatoire ou algébrique. Aucune autre thématique ne semble y avoir été abordée. Le projet d’un livre consacré à ce domaine voit le jour au cours de l’année 1941 [25], sans que ses contours et ses rapports avec le livre de Topologie générale soient alors arrêtés. Ainsi, un neuvième chapitre sur les revêtements, dont la rédaction est confiée à Ehresmann, doit clore le livre de topologie générale. Un rapport est justement présenté par Ehresmann au sujet des revêtements lors du congrès de Clermont d’août 1942.

Dans le compte-rendu de ce Congrès [La tribu n°8], on peut notamment lire : « LIVRE V. Ehresmann promet de diffuser son cours de l’année, pour servir au débrouillage de la question, ainsi qu’un rapport sur les diverses méthodes actuellement en usage. » La version écrite de ce cours de topologie combinatoire dispensé au cours de l’année 1941-1942 à l’Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand ne semble pas avoir été communiquée aux autres membres du groupe, peut-être en raison de la situation difficile que doivent affronter les Ehresmann à partir de novembre 1942. Au bout du compte, les premiers contours d’un livre de topologie algébrique sont tracés grâce à l’étroit concours de Cartan en 1944-1945, avant que le groupe n’abandonne le projet par la suite.

Notes

[1] Professeure de lettres et romancière, Sylvie Weil a publié en 2009 un récit intitulé Chez les Weil, qui est consacré à son père André et à sa tante Simone. Ce récit a fait l’objet d’une réédition en 2013 avec une préface de Michèle Audin.

[2] Pour plus de détails sur Louis Cartan, Voir en particulier Maurice de Broglie, « Louis Cartan », Revue scientifique, 85, 1947, p. 771-772 et Volker Remmert, « Ungleiche Partner in der Mathematik im “Dritten Reich” : Heinrich Behnke und Wilhelm Süss », Mathematische Semesterberichte, 49 (2002), p. 11–27.

[3] Michèle Chouchan, Nicolas Bourbaki, Faits et légendes, Argenteuil, Éditions du Choix, 1995, p. 67, témoignage de Dieudonné, recueilli à la fin de l’été 1988 : "En fait nous étions tous très dispersés. Nous avons tenu néanmoins plusieurs congrès. Weil était parti aux Etats-Unis, Chevalley aussi, et les seuls qui restaient accessibles étaient Delsarte, Cartan, Ehresmann et moi-même. Nous avons alors réuni des congrès que nous appelions effectivement des congrès-croupions." Le choix de Liffré (près de Rennes) s’explique en raison des connexions qu’avait la famille Cartan avec la veuve du mathématicien Paul Flamant (1892-1940). Voir Michèle Audin (2011), Correspondance entre Henri Cartan et André Weil (1928-1991), Paris, Société mathématique de France, 2011, p. 514, note 129 et p. 586.

[4] Pour plus de détails, voir en particulier Hélène Gispert, « Rhétorique à propos des intitulés des chaires de mathématiques (1860-1950), les dessous d’une permanence au Collège de France », in Wolf Feuerhahn (éd.), La politique des chaires au Collège de France, Paris, Collège de France, les Belles lettres, 2017, p. 320 et 339.

[5]Laurent Schwartz, Un mathématicien aux prises avec le siècle Paris, éditions Odile Jacob, 1997, p 176 : « L'occupation allemande rendait la situation chaque jour plus périlleuse. Aussitôt après ma thèse, nous fûmes contraints de disparaître dans la nature, munis de nos faux noms et de nos fausses cartes d'identité. [...] Pour ma survie, celle de ma femme et de notre bébé qui venait de naître, mon attention devait se porter ailleurs. Je lus cependant beaucoup de livres de toute nature, y compris scientifiques. Cette quatrième année d'interruption, de mars 1943 à septembre 1944, s'ajouta donc aux trois autres antérieures. »

[6] Pour plus de détails sur cet épisode, voir en particulier le court texte de Michèle Audin intitulé « Mathématiques à Strasbourg-Clermont-Ferrand (1939-1944), vivre, travailler, résister… », qui est consultable à l’adresse suivante : Lien PDF

[7] Diane Dosso, Louis Rapkine (1904-1948) et la mobilisation scientifique de la France libre, thèse de doctorat, Université Paris VII, 1998, tome II, p. 18.

[8] André Weil, Souvenirs d’apprentissage, Berlin, éditions Springer, 1991, p. 186-189.

[9] Dieudonné adresse une lettre dactylographiée à Weil le 14 août 1942 à l’issue du troisième congrès de Clermont-Ferrand. Aucune copie de cette lettre ne figure ni dans le fonds Weil, ni dans son complément à l’Académie des sciences. Il n’est donc pas certain que Weil l’ait reçue. Une copie de cette lettre est conservée dans les archives de Possel (Institut Henri-Poincaré). Au début du mois de janvier 1943, Ehresmann tente de communiquer à Weil les épreuves du premier chapitre d’algèbre ainsi que l’état 1 du chapitre VI d’algèbre, i.e. la rédaction n°46 [lien vers la rédaction]. Pour ce faire, Ehresmann s’appuie sur Georges de Rham, comme en atteste la lettre qu’il lui adresse le 1er janvier 1943, Université de Lausanne, fonds Georges de Rham, R000014.

[10] Voir en particulier Liliane Beaulieu, Bourbaki, une histoire du groupe de mathématiciens français et de ses travaux (1934-1944), thèse de doctorat, Université de Montréal, 1989, p. 409.

[11] Michèle Audin, op. cit., p. 91 et 92.

[12] Ecrite depuis Paris cette lettre est également signée de la main d’Henri Cartan, elle est conservée dans le fonds Weil, Archives de l’Académie des sciences, complément 33J, dossier 9. Dieudonné y précise en particulier que la publication de Bourbaki est « arrêtée depuis 1 an » et que l’éditeur Enrique Freymann compte vivement reprendre la parution des fascicules du groupe. Dieudonné présente également tous ses regrets à Weil, après avoir appris la mort de sa sœur Simone.

[13] Lettre de Cartan à Weil du 10 décembre 1944, op. cit., p. 95. Cartan y précise que son courrier est accompagné d’une « lettre de Dieudonné pour toi ».

[14] Pour plus de détails sur Jules Guéron, on se reportera à Etienne Roth, « Guéron, Jules (1907-1990), Professeur de Chimie appliquée à la science et à l’industrie nucléaire (1951-1961) », in Les professeurs du conservatoire national des arts et métiers, Paris, publications de l’Institut national de recherche pédagogique, 1994, p. 596-611.

[15] Une lettre de Guéron à Weil, datée du 25 avril 1941 et envoyée depuis Londres, atteste de contacts entre les deux savants. Elle est actuellement conservée dans le fonds André Weil, Archives de l’Académie des sciences, compléments 33J, dossier 11.

[16] Archives départementales du Bas-Rhin, dossier 2090W6.

[17] Ces deux cartes sont conservées dans le fonds Georges de Rham, Université de Lausanne, dossier R000014.

[18] Jacques Feldbau est déporté à Auschwitz en octobre 1943. Il meurt d’épuisement au camp de Ganacker en Bavière en avril 1945. Un rapport sur les travaux de Jacques Feldbau rédigé de la main d’Ehresmann est reproduit dans les œuvres complètes d’Ehresmann, publiées par les soins d’Andrée Ehresmann en 1984. Au sujet de Jacques Feldbau, on pourra se référer à Michèle Audin, « Publier sous l’Occupation I. Autour du cas de Jacques Feldbau et de l’Académie des sciences », Revue d’histoire des mathématiques, 15, 2009, p. 7-57. Voir également Michèle Audin, Une histoire de Jacques Feldbau, Paris, Société mathématique de France, collection T, 2010. De manière plus globale, un recueil de témoignages intitulé De l’université aux camps de concentration, témoignages strasbourgeois a été publié en 1947 et il a fait l’objet de plusieurs rééditions, dont la dernière en 1996 par les soins des Presses universitaires de Strasbourg.

[19] André Weil, op. cit., p. 197-198 : « Un exemplaire, transmis à notre collègue et ami Georges de Rham, me fut réexpédié par lui de Suisse et se perdit. Un autre, transmis à Londres par le courrier clandestin gaulliste, parvint à New York mais dépourvu d'adresse ; il tomba sous les yeux du physicien Francis Perrin, qui crut y reconnaître le style de Bourbaki et me l'envoya aussitôt. »

[20] Lettre de Charles Ehresmann à Heinz Hopf du 28 décembre 1945, fonds Heinz Hopf, ETH-Bibliothek, Hs. 621 : 465. Ehresmann se montre plus précis dans sa lettre à de Rham du 3 janvier 1946 (Université de Lausanne, fonds de Rham, dossier R000014) : « Plusieurs fois je me suis senti menacé directement, principalement au moment de l’arrestation de mon beau-frère qui a été très actif dans la lutte clandestine contre les Allemands (il a été déporté en Allemagne et comme il n’a plus donné aucun signe de vie nous avons abandonné tout espoir de le revoir) ». Nous ne sommes pas encore parvenus à identifier le beau-frère d’Ehresmann et nous ignorons à quel moment son arrestation s’est produite. Nous savons tout au plus qu’il s’agit du frère d’Anne-Marie Franceschi, qu’épouse Ehresmann le 23 août 1934. Voir à ce propos la copie du bulletin de mariage d’Ehresmann et d’A.-M. Franceschi conservé aux archives du Bas-Rhin sous la cote 2090W6.

[21] Ce fait est souligné dans L. Beaulieu, op. cit., p. 405. Elle y signale que « Dieudonné poursuivait sa rédaction du reste de l’algèbre ». Pour plus de détails sur les chapitres II et III du livre d’algèbre, voir L. Beaulieu, op. cit., p. 406 et suiv.

[22] Cette rédaction n’a pas été répertoriée dans la nomenclature de Bourbaki et on n’en trouve aucun exemplaire dans les fonds d’archives actuellement disponibles. On sait que le premier chapitre d’Algèbre paraît sous la forme d’un fascicule séparé aux éditions Hermann au mois d’avril 1943. L’état final de ce chapitre a impliqué le concours de Weil avant l’invasion de la zone libre. Voir à ce propos L. Beaulieu, op. cit., p. 405-406.

[23] On peut les énumérer : le chapitre III intitulé « systèmes hypercomplexes, algèbre extérieure, déterminants » correspond à la rédaction n°39 [Rédaction n°39] dans la nomenclature de Bourbaki ; le chapitre IV sur les polynômes est la rédaction n°42 [Rédaction n°42] ; le chapitre V sur la divisibilité s’identifie à la rédaction n°76 [Rédaction n°76] ; le chapitre VI porte sur les corps commutatifs et il s’agit de la rédaction n°46 [Rédaction n°46] ; le chapitre VII aborde les « algèbres semi-simples » et il correspond à la rédaction n°75 [Rédaction n°75] ; le chapitre VIII est consacré aux « formes bilinéaires » ainsi qu’aux « formes quadratiques » et il s’identifie à la rédaction n°73 [Rédaction n°73] ; enfin, le chapitre IX a pour objet les « géométries élémentaires » et il s’agit de la rédaction n°91 [Rédaction n°91].

[24]Pour plus de détails, L. Beaulieu, op. cit., p. 397.

[25] Ibid., p. 398-399.